Un jour, j’irai vivre en Théorie parce qu’il paraît qu’en Théorie, tout va bien. (Les mots surpendus)

The snowpiercer ou l'allégorie d'une civilisation décadente



Cet article avait déjà dégrossi le sujet mais force est de constater qu'il y a beaucoup à dire sur ce film. La bande-annonce dévoilait déjà de sérieux indices sur sa nature et ses objectifs mais après l'avoir vu dans son intégralité on en comprend réellement toute son épaisseur et ses multiples niveaux de lectures. Cet article s'adresse essentiellement à ceux qui ont déjà vu le film ou qui n'ont pas l'intention de le voir car des aspects importants de celui-ci vont être exposés. A chacun ensuite d'y trouver sa propre grille de lecture.

Le film se déroule en 2031 dans un monde post-apocalyptique où la terre entière et sa population ont été ravagées par une ère glaciaire qui dure depuis 17 ans. Pour commencer cette mise en situation, les dates ne sont pas prises au hasard car cela nous place en 2014 pour le début des événements. Cela ne veut pas dire que c'est forcément ce qui nous attend (
encore que...) mais le film nous place volontairement dans un futur proche. Autre fait marquant, dès les premières minutes du film, on nous annonce que cette ère glaciaire n'est pas d'origine naturelle mais qu'elle a été provoquée par un agent chimique pulvérisé par voie aérienne qui avait été mise en place par les gouvernements pour contrecarrer le réchauffement climatique: cela vous rappelle-t-il quelque chose ?
Pour le coup, ils y vont brut de décoffrage en nous montrant pendant quelques secondes des avions à chemtrails déversant leur soupe mortifère et creusant le sillon de notre propre extermination.

Après nous avoir révélé la raison de cette nouvelle ère glaciaire, on bascule directement dans le nouveau microcosme que l'élite aristocratique avait créé pour l'occasion : un train d'acier particulièrement robuste, alimenté grâce un moteur à Énergie perpétuelle (là encore, le message est clair: leurs technologies sont bien plus avancées qu'on nous le dit et les alternatives aux énergies fossiles ou nucléaires existent depuis longtemps). L'eau provenant de la neige y est également traitée et recyclée à l'infini.

La population
 On constate qu'il n'existe plus de classe moyenne, l'élite se trouve dans les wagons de tête avec luxe et opulence tandis que les pauvres sont entassés dans les wagons arrière et traités comme du bétail. La population de ce wagon est forcée de se nourrir quotidiennement via des barres hyper protéinées à base de sauterelles broyées. Le parallèle avec notre société est là une fois encore d'actualité, certains médias nous annonçant qu'à l'avenir,
manger des insectes deviendra monnaie courante. Bien sûr, la population s'en contente car elle ne sait pas que dans le même temps l'aristocratie elle bénéficie de pêche durable, de poulets en batterie, et d'agriculture sous serre: la totale.

 Cette même population est maintenu dans un état de soumission et surveillée nuit et jour par une force armée qui ne tolère aucune forme de subversion. L'un d'entre eux tente à un moment d'envoyer une chaussure au visage d'un responsable et celui-ci se fait alors amputer d'un bras en représailles. Les autres se voient gratifier d'un serment pour leur rappeler leur place et ce qui les attend s'ils se rebellent. Cette mise en scène n'est là que pour creuser le fossé entre ces deux classes sociales et forcer le spectateur à choisir un camp. La classe dominante est volontairement diabolisée pour créer au sein même du spectateur un sentiment de révolte et de compassion à l'égard de ces opprimés...Et ça marche. C'est alors que l'on nous présente Curtis, celui qui s'annonce comme la tête pensante de la révolte à venir, en tout cas c'est ce qu'il pense, car celui-ci reçoit périodiquement des notes encapsulées dans la nourriture qui lui apportent des indices sur la manière de se rebeller. Celui-ci pense avoir affaire à un allié, ne sachant pas réellement ce qui se trouve dans les prochains wagons.

La révolte
 
 Suite à cette énième humiliation et provocation, la décision de passer à l'action est prise. La prise du premier wagon apparaît comme assez simple. La seconde par contre se finit en bain de sang car les gros bras du nouvel ordre mondial sont nombreux, bien armés et s'attendaient à cette révolte. L'ingéniosité des assaillants leur permet tout de même de prendre le dessus in extremis mais les survivants sont peu nombreux.
 
 Curieusement, ces mercenaires à la solde des puissants portent pour la plupart des cagoules qui ne laissent même pas paraître leurs yeux, comme si le travail qui leur était demandé ne nécessitait au final qu'une confiance aveugle en l'establishment. De la même manière, Mason, l'administrateur qui sert de relais entre l'élite et le peuple montre un visage ferme et impitoyable lorsqu'elle est en position de force mais se pose immédiatement en tant que victime dès lors qu'elle n'a plus d'appui et n'hésite pas à trahir sa hiérarchie pour survivre.

À partir de là, les quelques survivants iront de surprise en surprise: il découvre tout d'abord avec stupeur 17 ans après ce qu'on leur faisait manger comme nourriture ainsi que celle de l'élite dans les wagons suivants. S'ensuit une scène assez surréaliste qui se déroule dans une salle de classe spécialement aménagée pour les enfants de la haute société. Le bourrage de crâne est total, les enfants étant abreuvés jour après jour de propagande à la gloire de leur nouvel ordre mondial. Ceux qui essayent de s'en détourner sont ridiculisés comme ces quelques hommes qui avaient décidé de s'échapper du train et qui ont fini congelés devenant ainsi des symboles de la résistance et donc des parias pour cette nouvelle société encore plus décadentes que la précédente.

 

 La chute de ce nouvel ordre mondial
 La fin du film prend une tournure intéressante et relativement ouverte. Chacun y verra ce qu'il veut y voir. Wilfried, l'ingénieur blasé de cette société s'annonce lui-même comme une forme de sauveur de l'humanité. En réalité, le fait qu'il ait construit un train de ce type avant la période glaciaire révèle qu'il était probablement au courant des catastrophes à venir. Dans ce sens, il est davantage un vestige d'un monde sacrifié plus qu'un sauveur. Après avoir traversé l'ultime wagon ou la jeunesse dorée danse de manière insouciante, Curtis se retrouve enfin devant la porte de celui qu'il tenait à abattre et pour la première fois dans le film, il trouve porte close sans moyen de finaliser sa révolte. Ironie du sort, c'est Wilfried lui-même qui lui ouvre.

On apprend alors que c'est lui-même qui l'avait guidé dans cette quête avec ses messages et que le maître à penser de Curtis s'avérait en fait être un agent double, un ami du maître des lieux: un système en apparence bipolaire mais qui œuvre pour la même cause, un peu comme cette éternelle fausse dualité droite gauche en politique. On assiste alors un bourrage de crâne de ce personnage central qui représente l'élite. Le message est que le contrôle de la population est nécessaire et il parle même explicitement du besoin de réduire la population de 74 % (voir georgia guidestones), que les hommes ont besoin d'être gouvernés par une oligarchie bien-pensante sous peine de plonger la société dans le chaos (que l'on aperçoit d'ailleurs en arrière-plan tandis que les deux personnages discutent). On retrouve une fois encore cette victimisation du dirigeant qui se retrouve seul à gérer son cheptel, qui prend des décisions pour le bien commun et qui n'a pas une situation enviable.

Le message à peine voilé est donc de tenter de déstabiliser la résistance à l'ordre établi, de la corrompre en son sein. Cette stratégie s'avère d'ailleurs payante car Curtis finit par faiblir à un moment. Heureusement, la réalité le ramène à la raison lorsqu'il constate que les enfants qui avaient été enlevés plus tôt étaient utilisés comme pièces de rechange du train. Il se sacrifie alors pour les sauver et refuse la proposition qui lui était faite par l'élite.

La conclusion du film est encore plus troublante. L'un des résistants fait sauter l'une des portes de sortie et le train finit par dérailler. Une grande partie des occupants semble mort, seul subsiste deux survivants a priori qui prennent en main leur destin et décide d'affronter l'extérieur pour la première fois depuis 17 ans.
 Publié par Fawkes News 

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